Mon jardin est un poème

Rencontré un homme sur le chemin des champs au haut du bois, il était en vélo, arrivé à ma hauteur, il s’arrête pour me demander si « Vous avez vu de belles choses ? ». Je lui réponds, des charançons, mais je n’ai pas pris le bon objectif. Il semble qu’il vienne ici pour la première fois, il ne s’attendait pas à ce que le bois soit habité, Je cherche des endroits pour observer les animaux, à l’affût. Il me montrera plus tard sa tenue de camouflage. Pour ne pas être dérangé, il faut aller en face, dans l’autre bois, mais ce n’est pas permis, je lui dis. Toutefois si vous y aller, il faut savoir qu’il est très sauvage et il n’y a aucun réseau, j’ajoute encore. Il me fait remarquer qu’il est fermé de partout. Je lui montre en tendant le doigt par dessus les champs, vous voyez là-bas, quand vous arrivez aux autres champs, il y a un endroit, une ouverture étroite par laquelle on peut entrer. Voilà. Nous avons parlé du Hâble d’Ault, du hibou des marais, des oiseaux de mon jardin (j’ai pas trop insisté), avons parlé des migrateurs, des chevreuils, des campagnols et même des limaces. L’homme est restaurateur, passionné de photo. Il ouvre les sacoches de son vélo, me montre son téléobjectif, me parle de ses projets de changer de boitier, il sort vite fait sa tenue de camouflage, nous avons continué à parler trépied, monopod, perdrix, campagnol – c’est là que j’ai placé la limace, l’homme a fait une grimace mais finalement s’est rangé à l’idée que tout ce petit monde est passionnant. Je lui ai parlé du bouquinage des lièvres. Il ne connaissait pas. Moi non plus avant d’avoir la chance d’y assister. Il habite le Tréport, moi, j’habite le bois et je n’ai guère envie d’en sortir. Même la mer n’a pas la puissance d’attraction que possède le bois. Nous étions d’accord. Je crois que c’est exactement à ce moment que nous avons entendu aboyer un chevreuil. Nous avons laissé passer la surprise en maintenant un moment de silence. Avons parlé du renard qu’il venait de voir, des écureuils roux (il me demande s’il n’y a pas de gris, non, heureusement, il n’y aurait plus de roux). Nous avons fini par sortir nos téléphones et nous montrer les photos que nous trimbalons partout avec nous. Le soleil nous empêchait un peu de bien voir les écrans, c’est l’intention qui compte, l’enthousiasme qu’on y mettait. Lui espérait voir un faucon pèlerin et moi des charançons. C’était une jolie rencontre.

Moi, j’habite un poème

Mon jardin est un poème, c’est une évidence

Il fait déborder mon coeur à déclamer la beauté de la vie

Bleue sur le toit brûlant prend son bain de soleil, le plumage en vrac

Les merleaux nouveaux sont arrivés, je ne les ai pas encore vus mais bien entendu leur petits cris d’affamés

Boutons d’or et boutons de roses, Aurore et Argus bleu, fleurs d’aubépine et délicatesse des derniers lilas

Une grenouille ventre dans l’eau et dos au soleil fait rimer avec elle l’éternité d’un moment parfait

Le sapin renait en vert tendre et les têtards nagent dans un monde sans soucis

Rouge fait un petit tour dans la maison, il ressort, se pose dans le millepertuis, me regarde en penchant sa tête

Dans mon jardin à multiples dimensions, on y descend et on s’y consume un peu parce que les heures filent sans le dire

Je pourrais y rester tout le temps que le soleil s’y attarde, mais je me suis fait violence et je suis allée marcher sur le chemin des champs du haut du bois, afin de voir les charançons de toutes les couleurs, les papillons et les coccinelles, toutefois l’objectif n’était pas le bon.