… le bois n’en finit pas de vouloir déferler vers nous, il se tient comme un grand fauve en attente de déborder de sa tanière, prêt à bondir, certes, mais prisonnier d’une lenteur temporelle. Une sorte de monstre comme peut l’être l’immensité que nous sommes incapables d’appréhender. Ces milliers, milliards de feuilles en suspension comme les gouttes d’eau d’un tsunami figé m’impressionnent, m’effraient parfois, me rassurent pourtant, me dissolvent sans doute, m’emportent dans un sillage en démesure. J’y perds un peu la raison. A moins que je ne la retrouve ici-même. La vie est là. Les oiseaux et autres sauvages n’en demandent pas davantage. Et toi, mon jardin, je devine ta tentation de te laisser absorber par cette masse chaotique, la libérer de ses limites, je sens bien tes caprices d’osmose, si tu pouvais tu te laisserais happer par les abysses, et au lieu d’être rivage, tu te fondrais dans l’océan. Je te suivrais à coup sûr, et qui sait ce que je deviendrais dans notre métamorphose ? Je te sais petit fauve, mon berceau de survie et je prends un soin infini à parfaire ton visage fou parfois, flou souvent, éminemment vivace, protecteur pour la petite faune et nombre d’adventices. Nous, les vivants. Je sais bien que tu fais un peu mauvais genre mon magnifique mal tondu aux regards de la civilisation, mais nous dansons heureux fusionnant dans les concertos des merles dont la partition donne la part belle au rouge gorge et le pinson rythmant des mesures syncopées. Nos pas d’ivresse tourbillonnent à la manière de ces couples de papillons qui nous frôlent, ivres eux aussi de tant de vie à faire. Nos heures sont légères souvent, pleines toujours, j’aime penser que tu les aimes ainsi même lorsque je laisse sombrer nos instables certitudes dans les marges indélicates d’une réalité plus délétère, trop humaine. Je dis « nous », « nos », et si je suis ici je suis un peu toi, dans l’humilité et le ravissement, l’émerveillement qui me surprend chaque fois, une simple vérité où s’écrivent les bonnes pages du livre de ma vie. (12 mai 2022, mis à jour le 12 mai 2023)
Qui te rassure et qui t’effraie
et nos jardins qui nous ressemblent
Qui t’effraie et qui te rassure
c’est l’oiseau de nuit qui le chante
…
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Nos jardins nous ressemblent, et j’y pensais l’autre jour, le mien me renvoie une image de moi qui me plaît, et encore me rassure.
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Entre l’intention et le laisser-aller, tant de possibilités. Cette lecture me laisse rêveuse.
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