Ce sont les corvidés, corbeaux freux ou corneilles, avant la pie qui me mit la puce à l’oreille, qui furent les premiers à réagir. Un temps plein de panique. Ces oiseaux n’entrent pas (ou très rarement) dans le bois mais nichent en haut des grands arbres à proximité des champs. Il leur arrive d’être bruyants en se rassemblant et je n’y prête plus vraiment attention. Je regardais tranquillement les passages de passereaux sur la terrasse, le jeu des merles en particulier, trois merlettes se chassant l’une l’autre. Soudain le cri strident de la pie a retenti, brutal, j’ai cru qu’elle était dans le jardin, tout près. Je la cherchais du regard et c’est là que je l’ai vu. Tel un écureuil courant le long des branches qui commencent à se recouvrir de feuilles et brouillent la vision. Mais ce n’était pas un écureuil, c’était plus gros, plus long, moins léger. L’animal venait des grands arbres où les corvidés sonnaient l’alerte. Masse incertaine, je l’ai vu disparaitre vers le sol, de l’autre côté de la haie de bambous, dans le grand terrain du voisin. J’ai attrapé mon appareil photo, je suis sortie et j’ai remonté l’allée pensant que j’avais une chance d’apercevoir quelque chose, ne serait-ce qu’une forme vague mais qui conforterait ma suspicion d’une nouvelle découverte. Un merle un peu plus haut lançait lui aussi des petits cris d’alarme aisément reconnaissable. J’ai vu la forme se déplacer dans les hautes herbes. Je marchais vite sur le chemin en parallèle foulant le sol le plus légèrement possible, marchant sur la terre boueuse, évitant les feuilles, sachant qu’à un moment j’y verrais mieux. Et en effet, je l’ai vue, la martre fouillait le sol au bas d’un arbre. Une martre ! j’ai beaucoup hésité avant de l’identifier, il aurait pu s’agir d’une belette ou d’une fouine. Le museau noir, sa dextérité à monter aux arbres, la confirmation après avoir visionné beaucoup d’images, lu nombre de descriptions. C’est la première fois que je vois ce petit mammifère dans le bois (ou peut-être pas, l’année dernière un animal indéterminé a croisé mon chemin à vive allure, semant la panique chez les oiseaux).
Je l’avais bien cette fois dans mon champ de vision. Le bruit du miroir de l’appareil photo a attiré son attention. Elle s’est tournée vers moi et son regard a croisé l’objectif. Quelle frimousse ! Elle a jugé qu’il n’y avait pas de danger puisqu’elle m’a très vite ignorée pour continuer son activité, fouiller un peu, faire une pause, le cri du merle disait nettement qu’il y avait un nid pas loin mais ça n’a pas semblé l’intéresser. Là-haut, les corvidés s’étaient calmés. La martre est montée tranquillement le long de l’arbre, l’instant d’après elle avait disparu.

Quel joli minois pour cette petite terreur carnassière !
*
Les sons sont importants dans un bois, surtout lorsqu’on n’y voit plus rien dans le fouillis vert. La martre était silencieuse, mais pas les signaux d’alerte qu’elle déplaçait avec elle. Les chats aussi paniquent les merles, mais jamais les corbeaux, jamais les oiseaux qui nichent en hauteur. L’année dernière j’ai assisté auditivement à un drame. Soudain la sérénité d’une belle journée fut rompue, un pic épeiche crevait le calme avec des cris d’alarme. Je me suis placée sous les arbres d’où venait le chahut, mais mon regard était arrêté par le houppier verdoyant et sombre. Si beau. Si terribles ces cris. Impossible d’y voir, mais la souffrance de l’oiseau s’entendait formidablement. Autour de nous, les autres oiseaux s’étaient également mis à émettre des sons vifs. C’est tout l’espace qui était chahuté. Les geais sont soudain entrés dans la cacophonie généralisée. Puissants, criards, ils alertaient haut et fort, je les entendais se déplacer dans les hauts fonds du ciel avant d’emporter leurs cris au-delà du drame. Tous les oiseaux se sont tus à part le pauvre pic qui continuait à exprimer sa détresse. Longtemps, trop longtemps. J’ai observé suffisamment de nids pour savoir les prélèvements des prédateurs, les combats des parents qui défendent leurs petits au péril de leur vie. Les images mémorisées prenaient la place de ce que je ne pouvais que percevoir. Enfin les cris ont commencé à s’espacer, à diminuer d’intensité. Et puis, plus rien, le bois retrouvait son calme. Un nid avait peut-être été vidé de ses jeunes occupants. Je n’avais entendu qu’un pic, je craignais que l’autre parent n’ait été blessé ou tué. Ce ne sont que des suppositions, je n’en saurai jamais rien. Ce qui venait de se passer ne laisserait plus de trace sonore. Le cours du temps allait reprendre quoi qu’il en soit. Il ne se sera bientôt rien passé. Les mélodieux chants d’oiseaux tiraient le rideau sur la tragédie. J’incriminais une buse peut-être, ou un mustélidé dont j’ignorais l’existence au bois, ou même un écureuil. J’ai confirmation maintenant qu’une martre traîne dans le secteur. Elle doit elle aussi nourrir ses petits. C’est le jeu de la vie qui se déroule à tout instant dans le bois.
(photos réalisées malgré le ciel qui reste gris, donc encore et toujours en manque de lumière)

Un autre chapitre excitant directement du Bois de Cise.
J’y étais presque avec toi. Merci ‘vy.
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Je crois toujours être plus ou moins arrivée au bout des surprises mais il y a toujours des nouveautés. Merci d’y être, Caroline.
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quelle photo extraordinaire que ce regard brun au milieu du bleu des jacinthes!!! ❤ ❤ ❤
encore une rencontre mémorable surtout quand on peut l'immortaliser et nous en faire profiter! merciiii Evy!
et oui, pas facile d'identifier cette jolie carnassière car martre et fouine se ressemblent beaucoup, à tel point qu'on entend souvent parler de martre-fouine 🙂
en regardant ces deux liens (que tu as peut-être déjà explorés 😉 ) je me demandais si tu avais vu un plastron nettement blanc ou plus 'orangé':
https://www.youtube.com/watch?v=KPXp_nRi184 (numéro 277 de 'la minute nature')
https://www.osi-perception.org/Belette-Fouine-Martre-Hermine.html
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Merci pour la vidéo, je ne connaissais pas. L’autre page, je l’avais vue, c’est une de celles qui m’ont décidée à dire qu’il s’agissait d’une martre. Rien n’est évident pour qualifier l’animal de martre ou de fouine, dans le film, il est dit que chez les fouines le plastron blanc n’empiète pas sur les pattes, et sur les photos du second site, on voit le contraire. Pour la couleur, j’ai vu des teintes différentes sur les photos, l’idéal est oranger mais ce n’est pas toujours le cas. Il y a le museau, je crois avoir lu qu’il est plus pointu chez la martre, et la couleur de ce museau assez foncé, et puis les poils sous les pattes chez la martre, mais je n’ai pas été regarder 😀. Pour le moment je vais rester sur la martre, mais ce peut être une fouine. Martre-fouine, ça me va. Merci Malyloup. (au début, je me souviens que j’appelais mes grenouilles rousses, des crapauds, sans doute à cause du peu de bruit qu’elles faisaient (je faisais fort, là, mais je n’y connaissais tellement rien), avec le temps parfois les choses se précisent, c’est ce qui est passionnant aussi)
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oui on apprend sans cesse et c’est aussi ce qui me plaît 🙂
j’aime beaucoup les petites vidéos de ‘la minute nature’ à laquelle je suis abonnée ( https://www.youtube.com/c/laminutenaturenet ) et qui est un complément au site de la revue suisse ‘la salamandre’ que je connais depuis très longtemps et que j’adore!
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Je viens de m’abonner, merci 😊
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