L’arbre-lumière et le petit lapin

Un rayon de soleil ce matin, le moment d’aller marcher avant la pluie. Je n’avais pas l’intention de traverser les champs, juste faire quelques pas, le tour du bois, gentiment, à vive allure. Est-on maître de ses pas ? Je ne vais jamais où je croyais aller. Je me suis retrouvée devant l’entrée secrète du bois d’en face du bois. Le bois interdit. Le sauvage. Le magique. L’envoûtant.

Je suis entrée, j’ai commencé à filmer, les nuages ont aspiré le soleil, mais rien ne touchait à l’ambiance particulière de l’endroit. Je n’y marche jamais très longtemps, mais c’est la bonne période, pas de chasseurs, peu de ronces, pas de réseau.

J’ai cherché un arbre et ne l’ai pas trouvé.

En fait si, en visionnant mes films tout à l’heure, il m’a semblé le reconnaître, il ne fait que passer vivement à l’image vidéo, j’en ai fait une capture d’écran et j’ai recherché et retrouvé « l’arbre-lumière » photographié en avril 2020, le 19 avril de cette année si particulière qui nous offrit un printemps étonnant. 19 avril 2020 vs 11 avril 2023. Évidemment, les feuillages se développent vite en ce moment, et dans huit jours, ce sera certainement plus verdoyant, mais tout de même cette différence…

L’arbre-lumière, le 19 avril 2020, puis le 11 avril 2023, soleil absent et printemps qui prend son temps.

J’avais alors écrit un texte le jour même de la prise de vue (nous disposions alors d’une heure pour la promenade)

Une heure, il ne m’en faudra pas autant pour espérer croiser la route d’un chevreuil. Il est très rare qu’au petit matin ils ne se promènent pas dans les champs entre les bois. Je m’inquiète, je n’en ai pas revu depuis le début de la chasse. Alors j’espère en apercevoir un ou deux.
Le bois est grâce au soleil levant, les oiseaux sifflent en travaillant, les jacinthes des bois libèrent leur parfum délicat. Le bleu est océan où que mon regard se pose.
Les champs sont neufs, juste plantés, une mouette, un corbeau, le cri rauque d’un des faisans. Je marche sur ce chemin qui me susurre inévitablement les mots de Marie Hélène Lafon lorsqu’elle décrit ses promenades au crépuscule. Elle va à mes côtés et c’est bon d’être accompagnée, il se dégage comme une connivence humaine qui fait sourire le cœur.
Ce cœur serré des jours surréalistes que nous confinons tant bien que mal, nos retenues, nos frustrations, nos anxiétés, et cette douce mélancolie dans laquelle l’attente se perd larguée par un temps qui est devenu improbable. Parfois sur le fond de la solitude une question se dépose, le monde existe-t-il encore ou suis-je devenue un fantôme ?
Je marche, au loin la mer, et puis l’autre bois. L’orée à moins d’un kilomètre de chez moi, mes pieds se font hésitants, pesants, les chaînes qui les retiennent commencent à tirer. Le bois est un écrin, je connais l’endroit où il s’ouvre.
Je suis entrée, me voici à des années lumière des rives du réel. Ici la magie est saisissante, le merveilleux règne, il vous prend aux tripes mais vous desserre le cœur. Vous êtes dans le berceau de la liberté, le pouvoir de la vie bonne et dangereuse, l’ivresse des profondeurs commence à vous troubler. Tout autour de vous s’agite, des portes s’ouvrent, des tentacules se tendent, des visages prennent formes, des miroirs commencent à vibrer… ce magnifique chaos des origines.
J’ai remonté le chemin jusque chez moi, d’aucuns diraient en me voyant trottiner gaiement que j’ai perdu la tête, que le confinement a eu raison de mon déjà bien étrange esprit. Mais non, j’ai juste recommencé à rêver.

*

Aujourd’hui, toujours pas de chevreuil, quelques corbeaux, le cri rauque du faisan, une alouette, une buse vigie au sommet d’un arbre, mais pas de petit lapin, désolée si vous l’attendiez mais il valait mieux pour lui qu’il reste dans son terrier.

Il était une fois deux bois qui dans les temps anciens n’en formaient qu’un et même faisaient parties d’une vaste forêt, l’un devint féerique et l’autre magique. Entre les deux la mer. Et si vous ne me croyez pas, venez voir par vous-mêmes.

9 commentaires sur “L’arbre-lumière et le petit lapin

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  1. oh oui, quelle différence entre ces deux clichés! il est vrai que le printemps 2020 était magnifique si l’on excepte les restrictions infernales… alors que ce printemps-ci se laisse désirer
    ce qui reste invariable ce sont les jolis mots que tu choisis pour nous conter tes aventures et ça, ça j’adore!

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