Impromptu

Nous ne nous connaissons pas. J’aurais dû commencer par vous souhaiter le bonjour. Avec sincérité, c’est la moindre des choses. Puisque nous ne nous connaissons pas. N’est-ce pas le meilleur moment, cet échange incongru entre deux inconnus ?

Se connaît-on soi-même ? Connaître est un mot étrange qui ne remplit au final l’être que d’illusions. J’apprécie ne pas vous connaître. J’espère ne pas dévier votre inconnaissance de celle que je suis. Tout comme je prendrai soin de n’émettre aucun écho durable à votre sujet.

Votre façon de me regarder au travers de quelques mots absurdes, un miroir tendu entre nos deux états très hypothétiques, devrait me rassurer. A travers vous, complice déjà, confus aussi, étonné peut-être, contrarié un peu, empathique sûrement.

Je vois à votre silence, ou plutôt j’entends plus que je ne vois puisque nos yeux n’y sont pour rien, j’entends la distance qui grandit entre nous. J’imagine que vous allez vous détourner, de moi, de vous d’une certaine façon. Et moi de moi puisque vous m’emporterez un peu dans votre éloignement. Par soucis d’équilibre je deviendrai de mon côté un peu de vous.

A force de ces peu échangés on finirait par ce sourire intérieur en vous en moi, ce serait comme une empreinte dans l’espace, bien plus jolie que celle que laisse le matou du Cheshire. Une sorte de fil tendu entre deux souvenirs d’une rencontre impromptue qui n’en sera une que si le fil tient bon.

Et la prochaine fois que nous nous croiserons ici ou en ailleurs, il n’y aura que ce sourire entre nous, un sourire comme un soupir sur une portée que nous offrirons à l’aurore qui devrait bientôt se lever et nous effacer. Je vous laisse le choix de le jouer en mode mineur ou majeur.

Bonjour à vous aussi.

(en attendant le retour des singes)