Antoine Wauters, né à Liège en 1981, je l’ai découvert avec Pense aux pierres sous tes pas, j’en avais aimé l’écriture et l’histoire tortueuse et malmenée par un contexte totalitaire, dure mais pleine d’amour, suffisamment pour me dire que je suivrai de près cet auteur, ainsi je réussissais à dénicher Moi, Marthe et les autres, l’écriture toujours qui aide à supporter la cruauté survivaliste dans un Paris dévasté par une catastrophe. A quoi l’humain est-il réduit pour survivre ? Parce que les personnages sont finalement attachants. Puis il y a eu Mahmoud et la montée des eaux, succès littéraire, poétique. Trois romans parus dans la bonne collection Verdier. (le dernier entré chez moi, Nos mères, il attend une prochaine lecture)

J’ai sans hésitation acheté Le musée des contradictions lorsque je l’ai vu sur une table de librairie. Sortie en mars 2022, il m’attendait depuis dans ma bibliothèque consacrée aux livres d’art, allez savoir pourquoi il avait été posé là, sans doute parce qu’acquis en même temps que le Sève et pensée, de Giuseppe Penone. Les deux livres, petits, placés de face devant les gros bouquins d’Anselm Kiefer. Et c’est d’ailleurs en voulant réintégrer un de ces gros bouquins que j’ai vu ces deux petits livres. Eh oui, on est là. Ils attendaient et je ne les voyais plus, on s’habitue tant à ce qu’on voit tous les jours qu’on finit par en devenir aveugle. Alors je les ai attrapés et à divers moments des quelques jours qui ont suivi, je les ai lus. A voix haute, souvent. Parce que ce sont des livres de paroles. Et que finalement ma voix finissait par s’accorder aux tonalités, au rythme des écrits. Et je parlais, je parlais devant un auditoire invisible.
Le musée des contradictions, c’est une suite de discours. Prises de parole d’hommes, de femmes, d’enfants en survie, courtes de quatre ou cinq pages chacune. Et ceux qui parlent, souvent employant le « nous » indistinctement, qu’il signifie « je » (mais le je existe-t-il encore ?) ou le pluriel indéfini, un pluriel qui trouble tant il devient vaste. Il y a du monde dans ce livre, il y a de la souffrance, de la pauvreté, de la jeunesse et de la vieillesse, du massacre des corps, et des déplacements, comme souvent dans les livres de Wauters. Et puis il y a l’écriture, la poésie qui rend beau ces personnages sans avenirs que celui du chaos.
Le premier discours s’adresse à un juge, le dernier au président (de la Belgique, je suppose, mais ici ou ailleurs, c’est du pareil au même).
Deuxième de couverture : Des voix s’élèvent, s’approchent du centre de la scène qu’est ce livre et s’expriment. Ce qui les lie, c’est qu’elles portent toutes des contradictions. On pourrait s’en inquiéter, dans un monde où il faut constamment choisir son camp. Mais ici, l’homme n’est ni bon ni mauvais. Il hésite, souffre, espère et doute, comme nous tous. N’est-ce pas là l’expérience qui est la nôtre aujourd’hui ? Chercher tant bien que mal à accorder nos paroles et nos actes ? Tenter de trouver du sens là où il n’y en a plus ? Voir que les choses sont sans espoir, et pourtant être résolu à vouloir les changer ?
Une adresse aux lecteurs qui intensifie la poésie, une façon de se réapproprier le discours sous forme de nouvelles. Antoine Wauters va toujours plus avant dans l’exploration des frontières du roman, et nous le suivons.
J’ai fort aimé ce livre. Quel discours ai-je préféré ? Peut-être au final (j’ai hésité) Discours de la minorité devenue majoritaire, parce qu’on y parle d’écriture, de livres « Nous avons ressenti ces choses. La joie d’une langue qui ne doit rien à personne et dont même nous nous ne répondions pas. La liberté ! »
Un autre extrait : « L’époque où les femmes de nos vies se trouvaient à nos côtés. Quand nos nuits n’étaient pas les chaises électriques de l’angoisse mais de somptueux répits entrecoupés de gorgées de vin et de plaintes sinueuses. Rien n’est perdu. Tant que nous courons, elles nous regardent. Elles attendent le lever du jour. Nous prennent la main, et munies de ce filet de pêche avec lequel elles ont toujours fondu sur nous, le grand filet de leur douceur, elles nous relancent sur les sentiers, tandis que nous, nous ne rêvons que d’une chose : sentir une dernière fois l’animal brûlant de leur bouche, afin qu’il nous nourrisse de l’odeur de mûres et de lait qu’il laissait toujours sur notre peau. »
Références parsemées dans le livre :

Le musée des contradictions – Antoine Wauters – 2022 – Editions du sous-sol
Encore une fois, je me réjouis de ton retour.
Un autre texte qui me fait du bien.
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Merci, Caroline.
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Pense aux pierres sous tes pas, oui, c’était si bien. Le Musée est sur ma table de chevet depuis quelques mois, ton retour me rappelle qu’il m’y attend, merci.
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