La touche de lumière

Hier. Le soleil était une bonne raison pour sortir marcher jusqu’au bout du bois. Reprendre ce chemin de lisière le long des champs me rappelle mille souvenirs vécus ici-même. Les pluies diluviennes, la chasse, les ornières boueuses, tout cela semble dépassé. J’émerge de la tanière des souvenirs prête pour un nouveau chapitre printanier. Les pieds se souviennent, les yeux sont aux aguets, il est trop tôt pour voir sortir un chevreuil du bois d’en face, le sauvage, celui où parfois je me faufile et qui change le rythme de mon coeur (enthousiasme, excitation, le goût de l’interdit ?) le temps d’une brève intrusion. Pour le moment, c’est le vent qui m’accompagne, une liberté qui s’évoque, coupe un peu le souffle mais fait enfler le coeur. Les champs sont verts parfois chargés de fumier, verts aussi le plat de la falaise qui vient du lointain pour se terminer bientôt. L’immensité me surprend toujours, c’est bon signe, le petit vibrion de l’aventure s’agite encore en moi. Cette solitude qui est loin d’en être une est d’une douceur absolue.

Je reste un moment devant le paysage, sans plus former de projets, je le connais si bien à marée basse ou haute, et pourtant toujours si différent, vivant de ce mouvement que ne saurait rendre une photographie. Pourtant je capture encore parfois une image de ce moment.

Plus tard, de retour par l’intérieur du bois, tous les mondes s’expriment encore, ceux des contes, des fables, des bestiaires chimériques, de la forêt des miroirs. J’admets que mon imagination si fertile autrefois s’est beaucoup perdue dans les replis de mes observations. Pourtant. J’entends des murmures parcourir les grands corps nus des arbres, ce sont des bribes d’histoires que je leur racontais et que j’ai depuis longtemps oubliées. Mon esprit vole d’un arbre à l’autre, sous le ciel qui bientôt deviendra invisible sous la canopée. Ça se fera sans bruit, les verts se répandront jour après jour, dès que le premier bourgeon éclatera plus rien n’arrêtera le processus et le bois se refermera comme une bulle qui prendra pour moi des allures fantastiques, ainsi pourront renaître les mille secrets du vivant, et je me réjouis d’en être une observatrice privilégiée. De si près que je le peux. Et à ceux qui me diront, car on me le dit souvent, Je ne pourrais pas vivre dans le bois, je m’y sentirais enfermé ou encore J’y ai vécu, je n’avais que l’envie d’en sortir, comment leur faire comprendre que je m’y sens protégée, enveloppée, le bonheur des sens en alerte, que j’y retrouve mon âme d’enfant, l’apaisement de l’équilibre, que le temps prend le temps d’y jouer avec moi, que je vis ici les plus belles années de ma vie.

4 commentaires sur “La touche de lumière

Ajouter un commentaire

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :