
C’était le week-end dernier. Ciel bleu et plein soleil. Nous sommes au bois, samedi après-midi, je marche dans la partie du sentier que j’ai l’habitude de parcourir. Je vais relever mes souvenirs. Ici, les fougères sont passées du rouille sublime au brun sec et cassant, là le nid de guêpe est désormais infiniment vide… Je m’arrête soudain. J’écoute. Je viens de percevoir un petit toc toc toc. Est-ce un pic ? Je sais que non, je l’ai bien reconnu, au fur et à mesure de ses déplacements encore invisibles. Il tombe une pluie de feuilles alors qu’il n’y a pas de vent, et j’entends bien plus lourd choir au sol, des glands, faînes et autres fruits des arbres. Je cherche et l’aperçois, il se déplace vite. Un petit bolide. Il s’arrête soudain. Nos yeux se croisent. Celui qui bougera le premier aura perdu le droit de courir dans les airs. C’est toujours moi qui perds. Deux jeunes se poursuivent le long d’un tronc puis de branche en branche. C’est bien, ils sont revenus. Les roux. Les Tibili. Je suis restée longtemps à trainer dans le bois.
Le lendemain, j’allais revenir, le matin, une bonne heure, et puis l’après-midi, deux heures ? Je me suis posée. J’ai attendu dans la patience des arbres. Parfois le chant des oiseaux profitait d’une accalmie dans le brouhaha civilisé pour donner à l’air un ton de légèreté. J’ai admiré la transmutation des feuilles d’automne en or sous la langue de la lumière solaire. Les petits lutins roux sont revenus, toujours aussi rapides et hauts perchés dans les arbres. Autour de moi, j’entendais les buissons prendre vie, le bois acceptait ma présence, c’était comme si j’avais trouvé une petite place que l’on me concédait si je ne froissais ni le rythme ni l’air ambiant. Je vivais quelque chose de nouveau qui n’avait rien à voir avec ma présence habituelle dans ce lieu. Au bout d’un temps, je ne cherchais plus rien, je me contentais de recevoir sans rien dire, sans presque bouger, sinon le regard et le bout des doigts que le froid n’atteignait plus beaucoup.
Et oui, j’ai vu danser les arbres. M’ont-ils senti sourire ?
Le soleil poursuivait une course qui n’était plus à suivre. Le jour s’éteindrait doucement d’ici une petite heure, j’avais du bonheur dans la tête, et d’autres adhérences dans le coeur. Alors, emplie de gratitude, je me levai, pliai mon mini siège, portai la courroie de l’appareil photo à mon épaule et je repris le sentier qui s’enfonçait dans les houx dont je passai la porte, prenant garde à ne pas glisser sur la pente lourde de feuilles et de terre meuble. Je devais être à quelque cent mètres de chez moi quand j’entendis tomber des choses un peu lourdes sur le sol, et des petits bruits caractéristiques. Le Tibili. Et il n’était pas seul, un sur ma gauche, un autre droit devant et un troisième à deux heures. Trois petites boules de poils roux descendues au sol qui ne se préoccupaient pas plus de moi que d’un élément sans danger de la forêt. C’était l’heure du repas, ils fouillaient le tapis de feuilles, la récolte était bonne et immédiatement croquée, décortiquée, engloutie. Je déposai mon sac et le pliant à terre, je visai et photographiai sans provoquer chez eux la moindre interruption. Comment ne pas sourire. Et donc de remercier. Silencieusement toujours ou de quelques infimes murmures.
Ce dernier week-end une frontière s’est encore fissurée entre le bois et moi. J’en suis revenue avec un sentiment précieux, mais je ne l’ai vraiment su que lorsqu’hier je me suis trouvée épuisée au coeur de la cité dépourvu d’arbre, et que je les ai vus apparaitre autour de moi comme de grandes et longues ombres bienveillantes.
Oh qu’il est mignon avec son regard vers toi dans l’arbre vert! Quant à la dernière planche avec les roux et bruns, ils sont en toute confiance 😍
Mais ce sont les arbres et leur mouvement qui me laissent béate de bonheur! Ça ne m’étonne plus qu’ils te collent aux basques! Wahhhhhh quelles photos! Grâce à toi, à ton regard, c’est sûr tout va changer et évoluer autour de ton bois, je n’en doute pas! 😘
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C’est facile d’avoir un regard avec eux. On se laisse porter.
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beaucoup le désire mais n’y parvienne pas encore
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« Attendre dans la patience des arbres. »
Et puis la ramener avec soi, au fond de l’intérieur, par morceaux épars, là où rien ne bouge.
Sans Tibilli, par contre, qui n’a pas de maison en ville, lui.
Bises, ‘vy.
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Oh tu sais je m’y perds un peu. Et ce que je dis est comme une photo, sans doute loin de ce qui est vraiment. Et c’est bien comme ça, parce que ce qui est vraiment me dépasse certainement.
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Tu sais si bien sublimer la nature: Photos et textes se complètent, simplicité et luxuriance, microcosme et macrocosme, réflexion et matière. Tout cela me fait un bien fou! Merci.
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Merci pour ce beau compliment.
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Ah ! Les rares fois où j’en vois, quelle joie !
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Ils se sont faits très rares cette année. Je les ai crus disparus avec les tempêtes, en plus les noisetiers n’ont pas donné de fruits. Les voilà revenus. Je me souviens de la première fois où j’ai vu passer une famille à la queue leu leu le long des branches au-dessus du jardin. Oh oui, de la joie !
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Ils sont vraiment très beaux ! Je vous envie 🙂
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Quel texte magnifique. Et moi aussi, je suis tombé en arrêt sur « J’ai attendu dans la patience des arbres ».
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