Juste avant de partir, « attends, attends-moi, je peux ? », j’ai ressenti ce besoin plus fort que tout de prendre encore le sentier dans le bois, pour croire que cette fois-ci il me garderait dans une bulle du temps. Le sentier monte un peu entre les grands arbres et les jeunes que je ne manque jamais de caresser et d’encourager, leur heure viendra un jour, tout comme je caresse les houx qui ferment les passages. Je me souviens comme je me méfiais d’eux lorsque je suis arrivée, ils piquaient la peau à travers le tissu, oh pas beaucoup mais je les trouvais agressifs. Pauvre fille de la ville. Aujourd’hui, ces houx si nombreux sont devenus mes compagnons, ils piquent toujours autant c’est à dire aussi peu et de la même façon, mais ma peau n’a plus le même réflexe de sursauter, tout au contraire, elle frissonne d’amour et se laisse aller à la tendresse du toucher. De plus en plus intime, de plus en plus terrienne, n’ai-je pas parfois l’impression de traîner des racines à chacun de mes pas, de sortir de terre et de prendre forme au fil de mon parcours ?
Le sentier qui monte, la porte des houx et le plat qui s’aventure entre le précipice et la clairière. Je suis là, entre les deux, un pas de côté et c’est la chute, un autre de l’autre côté et je me mets à conter fleurette. Croiriez-vous que je chantonne « promenons-nous dans les bois » dans mon arrière-pensée ? Et si le loup y était ? Nous mangerions ensemble, un peu de lui un peu d’émoi et beaucoup de délires. Alors je suis immobile et je lève la tête et je me mets à tournoyer à embrasser la cime des arbres encore morts. Toc toc toc, réveillez-vous, c’est le printemps. Les grands sont majestueux, les jeunes sont touchants. Ici on berce doucement les promesses dans le creux de la main. Mais aussi la douleur qui serre le coeur, les yeux qui se mouillent et le nez qui renifle. Je rebrousse chemin dans le trouble de mes pas devenus incertains. Et je marche à contre courant sur le tapis de feuilles, quelques ronces m’agrippent et me font trébucher, déchirures de la peau, déchirures du coeur, déchirures de la vie.
Du haut de la valleuse, je domine ce qui se passe en contrebas, la voiture qui m’attend, et mon désir d’être toujours perchée, de voir au loin le monde sans trop l’approcher. Le temps file parait-il, mais ici qui s’en soucie ? On pourrait rêver s’endormir dans ce monde enchanté. S’endormir et rêver… Redevenir enfant, jouer dans la solitude et tendre la main à l’éphémère, à l’amour, aux contes de fées qui ne se terminent jamais sur cette idée fictive « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », mais non, ce n’est pas vrai, les vrais contes ne rejoignent jamais la vraie vie et toujours ils recommencent leurs murmures à l’oreille de qui sait les entendre, jusqu’à ce que l’enfance vous imprègne de son émerveillement et de son éternelle dilution dans le temps. Ici, les miroirs laissent échapper les reflets de vos désirs les plus secrets. L’homme n’y a pas écrit sa loi, il est à l’égal de l’animal, du végétal, et seul le vent souffle dans les voiles. Le bonheur y est toujours naïf mais jamais innocent. Alors tu vois, non, je ne veux pas monter dans la voiture, je ne veux pas rouler vers la capitale, je ne veux pas quitter mon bois et ses miroirs magiques. Je pourrais en implorer des fées, des elfes et des sorcières, et ils me tendraient la main avant que je m’éloigne. Je pourrais, tu sais ? Et ils me tendront la main pour que je vogue sur la page aux ailes déployées.
Bien sûr. Tout ça.
Comme ce lac qui me manque.
L’amour en masse.
S’en approcher.
Et le serrement quand on s’éloigne…
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Oh, j’ai la chance d’y retourner vendredi. Tant pis pour le serrement, c’est bon d’y retourner.
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se donner la chance d’y retourner, c’est ça le secret car ça fait exister tous les possibles 🙂
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Et je les prends tous ces possibles.
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La forêt sans vous, un printemps sans sa fleur ? Vous sans la forêt, un désert brûlant et aride qui appelle la pluie ?
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Oh, je suis si peu de chose. La forêt sans moi reste la forêt, heureusement. Moi sans la forêt… je ne sais plus l’imaginer.
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Douce fusion.
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