Finissage – 20 ans de Mauvais genres

« Où sont les sorcières, les dragons, tous les méchants… » chante avec nostalgie Véronique Rivière, Inegalter ego, une chanson que je n’écoute jamais sans une petite touche de mélancolie et qui fait ressurgir des souvenirs d’enfance peuplés de tout un monde perdu (encore que…). Ayant assisté jeudi soir au finissage de l’exposition 20 ans de Mauvais Genres, au 17 rue Dieu – Paris, à la galerie Agnès B, je me suis demandé en sortant si tous ces compagnons de ma prime jeunesse ne se trouvaient pas dans ces sphères que je venais de survoler avec engouement, mélange de ravissement et de crainte. Cette soirée… et si je vous racontais un peu, si je vous faisais regarder par le petit trou de la serrure comme les petites curieuses de Fragonard derrière leur tenture. Et quoi de mieux comme ouverture que ce dessin de Pierre La Police tellement représentatif du générique de l’émission Mauvais Genres………. pour ceux que la curiosité pousserait un peu plus loin, j’ai semé des liens qui ne demandent qu’à s’ouvrir.

AAaaaaahhhh !
Je suis arrivée vers 18h45, surprise de la foule déjà compacte. Une performance était en cours :

Isa Kaos, avait revêtu un masque à foufoune (« à mi-chemin entre les accessoires de lingerie et les masques de collection ») et des escarpins martinets, avec lesquels elle fouettait allègrement son acolyte. Un jeu de pieds tout en humour pour une histoire de coeur si j’ai bien compris. Un coup d’oeil ci-dessous vous donnera une courte idée du spectacle et des accessoires créés par Isa Kaos (clic pour agrandir).

En attendant la deuxième performance, j’ai revisité l’exposition. Au début j’ai suivi la visite guidée des oeuvres de Marjorie Cameron, peintre et dessinatrice, égérie de contre-culture luciférienne américaine, mais vu le monde qui patientait pour entrer dans le showroom, je me suis détachée du groupe pour attraper au vol quelques images des oeuvres placées sur les murs de la salle noire.

 

Je suis loin d’avoir rapporté des souvenirs photographiques de toutes les oeuvres,  mais il faut savoir que les artistes représentés étaient nombreux, comme Jean-Luc Verna, Jérôme Zonder, Pierre Molinier, Nan Goldin, Robert Crumb, Joseph Farrel, pour ceux que je connaissais. Par contre, j’ai tenté autant que faire se pouvait de photographier la danse à la vie de Paola Daniele. Cette jeune femme chorégraphe utilise le sang de ses règles dans ses performances et fait partie d’un collectif d’artistes qui mettent à l’honneur l’univers féminin par le biais des règles : Hic est sanguis meus (ceci est mon sang). Sur le sol un peu de terre noire venait d’être apportée et quelques fleurs. La danseuse arrive portant dans une main un petit pot de son sang. La danse commence, la terre est malaxée, foulée aux pieds, les fleurs sont soulevées avec délicatesse, le sang s’égoutte, petit à petit la robe légère et blanche se tache de rouge. Vous pouvez voir que l’artiste chorégraphe évolue au centre du public (clic pour agrandir).

Les deux artistes des performances précédentes sont présentées dans l’Encyclopédie pratique des mauvais genres (dont je vous parlais dans cet article), il en est de même pour Karen Chessman qui se dit être à la fois un homme, une femme, un cheval. Je vous sens dubitatifs ? Pourtant… la porte de l’ascenseur (entrée des artistes) s’ouvre, haut perchée sur ses sabots, elle apparait, mors aux dents, et fait un tour dans la salle au petit trot, tranquillement, étonnamment légère. Puis se dirige vers son dresseur (monsieur le comte, je crois) qui lui passe les rênes qui serviront à diriger l’animal. Karen Chessman est vice-championne de pony play, il s’agit d’une pratique associée au monde du SM. Devant moi, elle se pose bouche entrouverte et retire ses manchons en forme de sabots, elle salue, vacille un peu, reprend sa fière allure. La salive coule sur sa poitrine. Son conducteur la libère du mors qui lui meurtrit la bouche sur laquelle il dépose un délicat baiser. Les applaudissements sont sincères, quelque chose est passée dans le public, la magie a opéré.

Pour terminer cet article, voici un tableau de Marie Morel, La sexualité des vieilles dames. Je suis depuis longtemps le travail de cette artiste que j’ai eu le plaisir de découvrir à la Halle Saint Pierre. Retrouver une de ses oeuvres ici fut une bonne surprise, d’autant plus que les mots qui accompagnent les dessins sont à la fois teintés de tendresse, d’humour, de vie, de désir et de réalisme. Si vous cliquez sur le tableau qui est très grand et pas facile à découvrir dans sa totalité sur un écran, vous verrez quelques détails, de quoi donner le ton.

J’ai passé un excellent début de soirée, ce fut une sorte de voyage onirique rafraichissant, une escapade hors de notre monde où tout a tendance à être lissé et ordonné selon des critères parfois douteux.  Ici, il s’agit d’univers peu communs faits de choix, de passion et de rêves réalisés. « Pas d’erreur c’est Mauvais genres », émission hautement recommandable sur France Culture.

Pour rappel, l’article sur L’encyclopédie pratique des mauvais genres.

16 commentaires sur “Finissage – 20 ans de Mauvais genres

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  1. très étonnant ce reportage, ces artistes……….je suis contente que tu nous en fasses le compte-rendu car ce n’est pas vers ces performances-là que j’irais spontanément, même si je suis moi aussi un peu en marge du conventionnel 🙂
    des gros bisous, Evy

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    1. Je suis attirée par les mondes parallèles tant que j’y vois de l’humain, de la poésie, de la passion et du jeu (pas d’argent :-)) Le monde des oiseaux est aussi un monde parallèle à ma vie ordinaire de banlieusarde (est-ce que je ne me sens pas pousser des ailes quand je suis dans mon bois ? disais-je à ma fille l’autre jour… alors je peux comprendre l’homme-femme-cheval). Ce week-end le merle a recommencé à chantonner – j’attends avec impatience le moment où il va me siffler les prémices de la Flute enchantée. On avance vers le printemps.

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  2. et je la vois qui marche
    entre les allées claires
    dans une robe noire
    maculée de soleil
    et je la vois qui danse
    là où la terre commence
    et où le ciel embarque
    pour l’oiseau du matin
    et je la vois qui voit
    la magie dans les sphères
    les teintes du désir
    et des tendres folies
    et sur son cheval libre
    je me laisse emporter
    … merci ‘vy…

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